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Que les froids sentiments s’expriment avec peine !
Amour… que je te hais de m’apprendre la haine !

Éloigne-toi, reprends ces trompeuses couleurs,
Ces lettres, qui font mon supplice,
Ce portrait, qui fut ton complice ;
Il te ressemble, il rit, tout baigné de mes pleurs !

Cache au moins ma colère au cruel qui t’envoie ;
Dis que j’ai tout brisé, sans larmes, sans efforts ;
En lui peignant mes douloureux transports,
Tu lui donnerais trop de joie.
Reprends aussi, reprends les écrits dangereux,
Où, cachant sous des fleurs son premier artifice,
Il voulut essayer sa cruauté novice
Sur un cœur simple et malheureux.

Quand tu voudras encore égarer l’innocence,
Quand tu voudras voir brûler et languir,
Quand tu voudras faire aimer et mourir,
N’emprunte pas d’autre éloquence.
L’art de séduire est là, comme il est dans son cœur !
Va, tu n’as plus besoin d’étude ;
Sois léger par penchant, ingrat par habitude ;
Donne la fièvre, Amour, et garde ta froideur.
Ne change rien aux aveux pleins de charmes,
Dont la magie entraîne au désespoir :
Tu peux de chaque mot calculer le pouvoir,
Et choisir ceux encore imprégnés de mes larmes.

Il n’ose me répondre, il s’envole… il est loin.
Puisse-t-il d’un ingrat éterniser l’absence !