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PRIÈRE AUX MUSES


Votre empire a troublé mon bonheur le plus doux ;
Muses, rendez-moi ce que j’aime !
L’Amour fut son maître suprême :
Il n’en a plus d’autre que vous.
Je ne suis plus dans son délire ;
Il a banni mon nom de ses écrits touchants.
Ô Muses ! loin de lui sourire,
Par pitié pour l’Amour, n’écoutez plus ses chants !

Cette fièvre qui le dévore
En rêvant le transporte à vos divins concerts ;
Et, doucement pressé sur le cœur qui l’adore,
Je l’entends murmurer des vers.
Que cherche-t-il ? est-ce la gloire ?
Il la plaçait dans mon amour ;
Les aveux d’un tendre retour
Étaient sa plus douce victoire.
Pensive, et seule au rendez-vous,
Que devient sa jeune maîtresse ?
Elle est muette en sa tristesse,
Quand l’ingrat chante à vos genoux.
Que sert de lui donner ma vie.
S’il est heureux sans moi ?
Que deviendra l’amour dans mon âme asservie,
S’il échappe à sa loi ?
Cette loi si simple, si tendre,