Page:Desbordes-Valmore - Poésies, 1860.djvu/30

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
20
POÉSIES.

Si je pouvais du moins, on lui livrant ces fleurs,
Me cacher dans son sein, et rougir de mes pleurs !
Il me dirait : « Je viens, j’accours, ma bien-aimée !
Ce nuage qui fuit t’aurait-il alarmée ?
La nuit est loin, regarde ! » Et je verrais ses yeux
Rendre la vie aux miens, et la lumière aux cieux.

Non ! le jour est fini. Ce calme inaltérable,
L’oiseau silencieux fatigué de bonheur,
Le chant vague et lointain du jeune moissonneur,
Tout m’invite au repos… tout m’insulte et m’accable.

Mais adieu tout ; adieu, toi qui ne m’entends pas,
Toi qui m’as retenu la moitié de mon être,
Qui n’as pu m’oublier, qui vas venir, peut-être,
Tu trouveras au moins la trace de mes pas,
Si tu viens ! Adieu, bois où l’ombre est brûlante ;
Nuit plus brûlante encor, nuit sans pavois pour moi,
Tu règnes donc enfin ! Oui, c’est toi, c’est bien toi !
Quand me rendras-tu l’aube ? Oh ! que la nuit est lente !
Hélas ! si du soleil tu balances le cours,
Tu vas donc ressembler au plus long de mes jours.
L’alouette est rentrée aux sillons ; la cigale
À peine dans les airs jette sa note égale ;
Un souffle éveillerait les échos du vallon,
Et les échos muets ne diront pas mon nom.
Et vous, dont la fatigue a suspendu la course,
Vieillard ! ne riez plus si mes tristes accents…
Non ! déjà le sommeil appesantit ses sens ;
Il rêve sa jeunesse au doux bruit de la source.
Oh ! que je porte envie à ses songes confus !
Que je le trouve heureux ! il dort, il n’attend plus.