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Pleurs et pauvres fleurs.


Je veux dormir. J’ai soif de sommeil, d’innocence,
D’amour, d’un long silence écouté sans effroi,
De l’air pur qui soufflait au jour de ma naissance,
Doux pour l’enfant du pauvre et pour l’enfant du roi.

J’ai soif d’un frais oubli, d’une voix qui pardonne.
Qu’on me rende Albertine ! elle avait cette voix
Qu’un souvenir du ciel à quelques femmes donne ;
Elle a béni mon nom… autre paît… autrefois !

Autrefois !… qu’il est loin, le jour de son baptême !
Nous entrâmes au monde un jour qu’il était beau :
Le sel qui l’ondoya fut dissous sur moi-même,
Et le prêtre pour nous n’alluma qu’un flambeau.

D’où vient-on quand on frappe aux portos de la terre ?
Sans clarté dans la vie, où s’adressent nos pas,
Inconnus aux mortels qui nous tendent leurs bras.
Pleurants, comme effrayés d’un sort involontaire ?

Où va-t-on quand, hissé d’un chemin sans bonheur.
On tourne vers le ciel un regard chargé d’ombre,
Quand on ferme sur nous l’autre porte, si sombre,
Et qu’un ami n’a plus que nos traits dans son cœur ?

Ah ! quand je descendrai rapide, palpitante,
L’invisible sentier qu’on ne remonte pas,
Reconnaîtrai-je enfin la seule âme constante
Qui m’aimait imparfaite, et me grondait si bas !

Te verrai-je, Albertine, ombre jeune et craintive ?
Jeune, tu t’envolas peureuse des autans :