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Pleurs et pauvres fleurs.


TRISTESSE


Une fille est née dans la classe du peuple, et, malgré le triste avenir qui lui est réservé, sa naissance a été accueillie comme un joyeux événement.

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Elle est heureuse, car le soleil brille ; la pluie tombe, l’arc-en-ciel étend ses couleurs, et les oiseaux chantent pour elle. Son sommeil est profond et doux, ses jeux gais et vifs, son pain délicieux ! Elle ne sait pas le secret d’être mécontente de ce qu’elle possède.
Un auteur anglais.


N’irai-je plus courir dans l’enclos de ma mère ?
N’irai-je plus m’asseoir sur les tombes en fleurs ?
D’où vient que des beaux ans la mémoire est amère ?
D’où vient qu’on aime tant une joie éphémère ?
D’où vient que d’en parler ma voix se fond en pleurs ?

C’est que, pour retourner à ces fraîches prémices,
À ces fruits veloutés qui pendent au berceau,
Prête à se replonger aux limpides calices
De la source fuyante et des vierges délices,
L’âme hésite à troubler la fange du ruisseau.

Quel effroi de ramper au fond de sa mémoire.
D’ensanglanter son cœur aux dards qui l’ont blessé,
De rapprendre un affront que l’on crut effacé,
Que le temps, que le ciel a dit de ne plus croire,
Et qui siffle aux lieux même où la flèche a passé !

Qui n’a senti son front rougir, brûler encore,
Sous le flambeau moqueur d’un amer souvenir ?