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poésies

Je n’ai qu’une âme, et c’est par lui qu’elle aime ;
Et lui, mon Dieu, si ce n’est pas toi-même,
            Malheur à moi !


LA JALOUSE


Pour la dernière fois je veux tromper mon cœur
L’enivrer d’espérance, hélas ! et de mensonges !

Charles Nodier.


Sans signer ma tristesse, un jour, au seul que j’aime
J’écrivis en secret : « Elle attend, cherche-la !
Devine qui t’appelle, et réponds : « Me voilà ! »
Et quand il apparut, quand j’accourais moi-même.
Quand je retins le cri d’un bonheur plein d’effroi,
Il n’a pas dit : « C’est elle ! » il n’a pas dit : « C’est toi ! »

Sans me nommer, craintive en livrant mes alarmes,
J’écrivis : « J’ai pleuré ; je pleure… C’est pour vous :
Que l’amour vous éclaire et demeure entre nous ! »
Et quand il vit mes yeux encor voilés de larmes,
Quand il toucha ma main qui lui rendait ma foi,
Il n’a pas dit : « C’est elle ! » il n’a pas dit : « C’est toi ! »

Sans dire : « C’était moi ! » je m’enfuis ; je succombe.
Bientôt je n’aurai plus de secret à cacher.
S’il rêve alors au nom qui courut le chercher.
Il le devinera peut-être sur ma tombe ;

Et, soulevant enfin ma vie avec effroi.
Qu’il dise au moins : « C’est elle ! ô pitié ! c’était toi ! »