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poésies


LES MOTS TRISTES


Quoi ! je mourrai ! quoi ! le temps à sa suite
Amènera l’irrévocable jour,
Le jour muet et sombre, où sans retour
S’arrêtera ce cœur qui bat si vite !

Madame Amable Tastu.


Souvent toute plongée au fond de ma tendresse,
Expiant, Dieu le veut ! le nom de ta maîtresse,
Je pense que je souffre (aimer tant, c’est souffrir),
Qu’un jour je t’ai vu pâle, et que l’on peut mourir
Jeune, entends-tu ! Je meurs pour mourir la première,
Pour braver avant toi la nuit ou la lumière.
J’entends des mots affreux tinter autour de moi,
Ces mots que dans l’enfance on apprend sans les croire,
Roulant, sans la troubler, au fond de la mémoire,
Inécoutés longtemps, longtemps vides d’effroi,
Tout à coup pleins d’accents, pleins de deuil, pleins de larmes,
Bondissant sur le cœur comme un tocsin d’alarmes !
C’est la cloche effrayée au cri sinistre et prompt,
Dont le pouls bat rapide et fiévreux dans l’espace,
Redoublant son frisson avec la mort qui passe :
De pâleur et de crainte elle cerne mon front.
Sous mes cheveux levés une eau froide circule.
Ah ! ne t’étonne pas. J’aime ! je suis crédule ;
Ou plutôt, j’ai des yeux qui plongent sous les fleurs,
Au fond de nos baisers je sens rouler des pleurs !

L’avenir sonne ; arrête ! Oh ! que nous marchons vite !
Qu’une heure a peu de poids sur un cœur qui palpite !