Alors, en retenant le souffle de mon cœur,
Qui battait sous ma collerette,
Je fuyais dans les blés, ainsi qu’une fauvette,
Quand on l’appelle ou qu’elle a peur.
Je suivais, en courant, ton image chérie,
Qui m’attirait, souriait comme toi ;
Mais aux travaux de la prairie
Les malins moissonneurs m’enchaînaient malgré moi.
L’un m’appelait si haut, qu’il éveillait ma mère ;
Je revenais confuse en cueillant des pavots.
Et, caressant ses yeux de leur fraîcheur légère,
Je grondais le méchant qui troublait mon repos.
Hélas ! j’aurais voulu m’endormir auprès d’elle,
Mais je ne dors jamais le jour ;
La nuit même, la nuit me paraît éternelle,
Et j’aime mieux te voir que de rêver d’amour.
Que mon cœur est changé ! comme il était tranquille !
Je le sentais à peine respirer.
Ah ! quand il ne fait plus que battre et soupirer,
L’heure qui nous sépare au temps est inutile.
Envoyant le soleil encor si loin du soir,
Je me disais : Mon Dieu ! que ma mère est heureuse !
Le repos la surprend dès qu’elle peut s’asseoir ;
Ma mère n’est pas amoureuse !
Et je fermais les yeux pour rêver le bonheur,
Et mes yeux te voyaient couché dans ce bois sombre ;
Et, quand tu gémissais à l’ombre,
Le soleil me brûlait le cœur.
Olivier, voudrais-tu ?… Que ton sourire est tendre !
L’amitié n’est pas là ! je ne puis plus parler.
Page:Desbordes-Valmore - Poésies, 1860.djvu/24
Cette page a été validée par deux contributeurs.
14
POÉSIES.