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ment), tu venais à moi, quittant aussitôt le beau palais de ton père. Tu attelais à ton char, pour coursiers, tes moineaux rapides, et ils descendaient en agitant coup sur coup leurs ailes noires à travers l’air immense. Et déjà tu étais auprès de moi. Alors, ô déesse bienheureuse ! tu me souriais de ton sourire immortel, et tu me demandais ce que j’avais, ce que je souffrais, et l’objet de ma douce fureur ; tu me disais : Qui donc t’a fait du mal, ô ma Sapho ? Va, ne crains rien : s’il t’a fuie jusqu’ici, bientôt il te poursuivra ; s’il a refusé tes dons, il va lui-même t’en offrir ; l’ingrat, s’il ne t’aime pas, il va t’aimer à son tour, fusses-tu pour lui cruelle ! — Voilà ce que tu me disais, ô déesse ! Oh ! maintenant reviens et descends encore. »

Volontiers aussi notre tendre élégiaque, les mains levées au ciel, se fût écriée en sa naïve démence, avec une autre âme aimante, une autre muse voilée, sœur de la sienne, et dont l’écho seul m’a, par hasard, apporté la voix :

Secrets du cœur, vaste et profond abîme,
Qui n’a pitié ne connaît rien de vous !
Juste est la peine au front de la victime,
Sage est le sage, et le vainqueur sublime :
Que reste-t-il à qui pleure à genoux ?

La Religieuse portugaise, si elle avait chanté, aurait de ces accents-là.

Moins poignantes que certaines élégies, les jolies romances de madame Valmore coururent, volèrent du premier jour sur toutes les lèvres de quinze ans, grâce aussi à la musique des plus grands ou des plus aimables compositeurs d’alors : Garat, Paër, en notèrent quelques-unes ; mais surtout madame Pauline Duchambge, née tout exprès, y trouva ses airs les plus agréables, les plus chers au cœur et les mieux assortis. Au reste, comme pour tous les succès un peu populaires en ce genre, les choses ont vécu plus que les noms. Ces délicieuses romances, Douce chimère, et Vous souvient-il de cette jeune amie ? qui réveillent, pour la génération