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par le malheur ; elle a reçu tour à tour le soleil et les larmes L’horizon de l’humble cimetière de Douai s’est assez agrandi ; quand la jeune fille ressaisit enfin le sol natal après tant de souffrances, on pouvait dire d’elle, avec le poëte, qu’elle portait

Un cœur jà mûr en un sein verdelet.

Une considération me frappe : c’est combien, vers la fin du dix-huitième siècle, il se fit chez nos littérateurs et nos poëtes comme un complément d’éducation par les contrées lointaines par les voyages. Il semblait que l’inspiration et la couleur françaises ne dussent se rajeunir qu’à ce prix. André Chénier est né à Byzance. Chateaubriand visite les savanes. S’il peut se saluer le père de l’école moderne, le rôdeur Jean-Jacques en est à certains égards le grand-père, et Bernardin de Saint-Pierre l’oncle, et un oncle revenu de l’Inde exprès pour cela. Bertin et Parny se souviennent trop peu, dans leurs vers, de l’île et de la nature où ils sont nés ; ils en ont pourtant gardé quelque flamme. Le poëte Léonard est né à cette Guadeloupe, où la jeune Marceline va tenter la destinée. Je l’ai appelée une Espagnole blonde, une Portugaise : les Antilles même, pour compléter, n’y manquent pas. En grand comme en petit, il y eut là un souffle des tropiques, un arome des savanes.

Revenue au nid, et encore toute brisée de l’orage, elle trouva la famille plus pauvre. Son excellent père cependant était devenu inspecteur des prisons à Douai, et elle aimait à lui être une auxiliaire bienfaisante dans l’exercice de ses fonctions. De là, dit-elle, son goût à elle, de tout temps, pour les prisons et les pauvres prisonniers.

Il fallait vivre et pourvoir à l’avenir, elle chanta. Nous n’avons plus qu’à suivre ses vers[1]. Ce furent d’abord quelques romances, quelques idylles, assez dans le goût de Léo-

  1. On peut voir, pour quelques autres détails biographiques que nous ne répéterons pas ici, l’article sur madame Desbordes-Valmore au tome second de nos Critiques et Portraits (page 159).