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IV
NOTICE

sexe aimant, se retrouve tout à fait celle encore de l’âme poétique que nous tâchons d’exprimer. Ses poésies, à chaque page, attestent ce doux culte refleurissant ; et dans des stances d’hier, adressées à une amie gracieuse qu’elle appelle la comtesse Marie, nous en ressaisissons un nouvel écho :

L’Ange nu du berceau, qui l’appela Marie,
Dit : « Tu vivras d’amère et divine douleur ;
« Puis, tu nous reviendras toute pure et guérie,
« Si la grâce à genoux désarme le malheur.
« Tu n’entendras longtemps que mes ailes craintives
« S’ébruiter sur ton sort…
………
« Je ne m’éloigne pas ; je me tiens à distance,
« Épiant, ô ma sœur ! tes pieds blancs et mortels :
« Quand tu m’appelleras de ta plus vive instance,
« Je t’aiderai, Marie, au retour des autels ! »

Le bon ange est ici faisant fonction pour la Vierge elle-même.

Un cousin pourtant était passé à la Guadeloupe et y avait fait fortune. La mère, voyant la gêne des siens qui se prolongeait sans espoir, conçut un grand dessein et s’embarqua pour l’Amérique avec sa dernière fille, avec Marceline, âgée d’environ treize ans. En mettant le pied sur ce rivage de son espérance, elle trouva la colonie en révolte, le cousin massacré, sa veuve en fuite dans les hautes terres, et l’incendie partout dans les plantations. La fièvre jaune la prit, et sa fille, en un instant orpheline, n’eut plus qu’à retraverser l’Océan. Ce fut une scène déchirante lorsqu’il fallut l’emporter seule, sans sa mère, l’embarquer de force, le soir, dans une pirogue qui allait rejoindre le vaisseau. Il y eut là comme une épreuve, en un sens, de la scène finale de Virginie.

Elle accomplit ce lent et cruel retour, que les duretés du capitaine aggravèrent, toute noyée de larmes, de mélancolie, et abîmée de silence : elle avait atteint quatorze ans. Désormais que lui faut-il ? que lui manque-t-il ? Sa poésie, ce semble, n’a plus qu’à éclore ; elle est toute formée en elle