Page:Desbordes-Valmore - Poésies, 1860.djvu/112

Cette page n’a pas encore été corrigée

Qui la laissa sur la terre étendue,
Sans souvenir, sans larmes et sans voix
Mais l'ouragan, dont gémit la nature,
Semble jaloux de cette longue erreur ;
Dans son sommeil il souille la terreur,
Et, de son sein réveillant la torture,
Y jette un cri dès longtemps expiré :
« Rendez, rendez l’enfant dans la foule égaré ! »
Comme l’écho frappé d’une clameur terrible.
Sa raison qui renaît répond au cri d’effroi :
« Rendez, rendez l’enfant ! rendez... » Réveil horrible !
Ce berceau découvert, il est vide, il est froid !
 
Pâle, muette, en ses larmes glacée,
Elle repousse et combat sa pensée ;
Puis elle dit, en se cachant les yeux :
« Je vois la terre, et j’ai perdu les cieux !
Dieu des mères ! mon Dieu ! vous savez s’il respire :
Rendez-le, guidez-moi... je ne sais où... J’expire !
Il n’est plus là... je n’y peux plus rester.
Eh bien ! puisque la mort ne veut pas m’arrêter,
J’irai, par les chemins, traîner, finir ma vie. »
Et le jour, sur la neige, on reconnaît ses pas :
Elle était douce et faible ; on ne l’observait pas,
Et personne ne l’a suivie.
Dans les sentiers déserts Dieu seul l’entend gémir ;
Mais l’aquilon a cessé de frémir.
 
Elle marche, elle dit : « Je veux voir la chapelle
Qu’au temps de la moisson j’embellis une fois ;
Où mon fils... (jour trompeur qu’à présent tout rappelle !)
Sur ma voix, qui chantait, voulait former sa voix.