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Calme, elle n’offre à Dieu qu’un cœur reconnaissant.
A travers le rideau que sa main vient d’étendre,
Elle entend respirer l’enfant dans son sommeil :
Qui voudrait l’arracher à cette erreur si tendre ?
Elle écoute son souffle ; elle attend son réveil.
Ah ! ne soulevez pas ce rideau qui l’enchante,
Pareil au voile épais tombé sur sa raison :
L’enfant, s’il vit encore, est loin de sa maison,
Et près d’un berceau vide elle prie... elle chante.
 
Dans sa vague tristesse, on la voit tout le jour,
Et sans nous reconnaître à peine,
Contre son sein bercer une ombre vaine,
Et lui parler avec amour.
Durant la nuit, tranquille et demi-nue,
Auprès des feux négligés et mourants,
Elle charme sa veille, au berceau retenue,
En regardant courir les nuages errants.

Un soir la lune absente abandonne la terre
Au sombre autan qui règne avec fureur ;
Des éléments la lutte austère
Glace les sens d’une muette horreur.
On ne voit plus que de faibles lumières ;
Les chiens hurlants menacent les chaumières ;
L’eau, dans sa chute, entraîne l’arbrisseau :
De cette mère, immobile et charmée,
La faible main s’endort sur le berceau,
Que semble suivre encor sa paupière fermée.

Paix ! elle dort pour la première fois
Depuis le jour éteint dans sa raison perdue.