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Un vieux soldat, tout cuirassé de gloire,
En l'écoutant sous son casque a pleuré.

Ce n’était plus quand l’été se couronne
De rayons d’or, de pampres et de fleurs ;
C’était au temps où l’hiver s’environne
De longues nuits et de mornes couleurs.
Ce n’était plus quand ma voix lamentable
Cria partout l’enfant sans l’obtenir :
Mais aux mères toujours ce triste souvenir
Apparaissait lugubre et redoutable.

Celle que l’on crut morte en ses cris superflus,
Qu’on emporta le soir, de larmes épuisée...
Elle vit : mais, semblable à sa plainte brisée,
Sa mémoire au malheur ne se réveille plus.
La moisson, le rivage et le Rhône rapide,
Dans ses esprits confus ne viennent plus s’offrir.
Ainsi se trouble une eau limpide
Dont la source va se tarir.
 
Ses yeux sans s’étonner ont revu sa demeure,
Où la foule a suivi ses pas ;
On l’entoure, on frémit, on pleure :
Elle seule ne pleure pas.
Dieu la bénit d’un long délire :
Son fils est là, dit-elle... il dort.
Elle a rapporté son sourire
A son fils... que l’on cherche encor !
Balançant un berceau, dans ces nuits rigoureuses,
Seule elle dit encor : « Les mères sont heureuses ! »
Seule elle ne sait plus son malheur si récent ;