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D’une voix qui poursuit le fidèle entretien,
Rien n’a comblé ta vie et de crainte et de charmes ?
Cet objet souhaité, dans un jour imprévu,
Ne t’a pas sur son sein réunie à toi-même ;
Ce tendre objet qui trompe, et qu’il faut que l’on aime,
Tu ne l’as jamais vu !
Je l’ai vu plein d’amour, et l’amour m’a trompée ;
Je ne croyais que lui ; de lui seul occupée,
J’ai perdu mon repos dans sa félicité,
Je l’ai voulu. Mon Dieu ! c’était sa volonté !

Il savait tant de mots pour me rendre sensible,
Pour instruire mon âme ardente à la douleur !
Lui seul a ce pouvoir, cet art, ce don flexible,
Lui seul donne la vie ensemble et le malheur.
Mais le malheur enfin détache de la vie :
Non, je ne veux plus de mon sort,
Je ne veux plus souffrir. Sais-tu ce que j’envie ?
Sais-tu ce qu’après lui j’ai souhaité ? La mort.
Son pied ne presse plus le seuil de ma demeure,
Et pour ne la plus voir il invente un chemin :
Sans lui rien demander, j’écoute passer l’heure ;
L’heure dit comme lui : « Ni ce soir, ni demain ! »
Mais je compte, j’attends que, moins inexorable,
Une heure, la dernière à mes maux secourable,
Éteigne sur ma cendre un importun flambeau,
Et défende à l’amour de troubler mon tombeau.

Quand celui qui me fuit ne songeait qu’à me suivre,
Le cours de mes beaux ans fut près de se tarir :
Qu’il m’eût alors été doux de mourir
Pour l’amant dont les pleurs me suppliaient de vivre !