Retourne vers ta mère et ne la quitte pas.
Va, comme un faible oiseau que menace l’orage,
Contre son sein paisible appuyer ton courage ;
Portes-y ta jeunesse, enchaînes-y tes pas.
Plus heureuse que nous, de son printemps calmée,
Laisse-la te soustraire à de vaines douleurs :
Va ! tu me béniras de t’avoir alarmée ;
Je fus confiante, et je meurs.
Folle sécurité d’une âme qui s’ignore,
C’est donc ainsi toujours que vous devez finir ?
Quand on n’a pas souffert, on ne sait rien encore,
On ne veut confier son cœur qu’à l’avenir.
Dans l’âge du danger je n’avais plus de mère ;
Déjà mon tendre guide, arrêté par la mort,
N’entendait plus ma plainte amère ;
Déjà ses yeux fermés n’éclairaient plus mon sort.
Retourne vers ta mère, et que ton innocence,
Prudemment effrayée au tableau de mes jours,
Joigne à mon souvenir, qu’il faut plaindre toujours,
Une longue reconnaissance.
Mais tu n’as pas souffert. Ta tranquille pitié,
Dis-le moi, n’a donné ses pleurs qu’à l’amitié ?
Non, tu n’as pas senti cette fièvre de l’âme,
Ce frisson douloureux qui passe au fond du cœur ;
L’air ne t’a pas semblé comme une molle flamme
Qui verse dans les sens la soif et la langueur ?
Ce triste isolement, ce tendre ennui, ces larmes,
Ce besoin de presser un cœur semblable au sien,
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