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LES DEUX AMITIÉS.


À MON AMIE, ALBERTINE GANTIER.


Il est deux Amitiés comme il est deux Amours ;
L’une ressemble à l’Imprudence ;
Faite pour l’âge heureux dont elle a l’ignorance,
C’est une enfant qui rit toujours,
Bruyante, naïve, légère,
Elle éclate en transports joyeux ;
Aux préjugés du monde, indocile, étrangère,
Elle confond les rangs, et folâtre avec eux.
L’instinct du cœur est sa science,
Et son guide est la Confiance.
L’enfance ne sait point haïr,
Elle ignore qu’on peut trahir.
Si l’ennui dans ses yeux (on l’éprouve à tout âge)
Fait rouler quelques pleurs,
L’Amitié les arrête, et couvre ce nuage
D’un nuage de fleurs.
On la voit s’élancer près de l’enfant qu’elle aime,
Caresser la douleur sans la comprendre encor,
Lui jeter des bouquets moins rians qu’elle-même,