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PAUVRES FLEURS.


Est-ce donc là le prix des immenses douleurs,
Dont nous avons payé leur présence adorée ?
De ce pas sur la tombe encor toute navrée,
Dieu ! laissez-nous donc vivre et respirer nos fleurs !

Laissez-nous contempler à deux genoux la tige,
Qui veut se lever seule et frémit d’obéir ;
Qui veut sa liberté, son plaisir, doux vertige.
Tout ce qui naît, mon Dieu ! tend ses bras au plaisir.

Laissez-nous seulement, ardentes sentinelles,
Écarter leurs dangers qu’ils aiment, si petits ;
Si forts à repousser nos forces maternelles,
De la fierté de l’homme innocens apprentis.

Purifiez un peu ce monde où chaque haleine,
À l’entour de nos fruits souffle un air plein de feu ;
Préservez le lait pur dont leur âme était pleine ;
Alors nous guiderons l’ange par un cheveu.