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PAUVRES FLEURS

Aussi, dès qu’en entier ton âme m’eut saisie,
Tu fus ma piété ! mon ciel ! ma poésie !
Aussi, sans te parler, je te nomme souvent,
Mon frère devant Dieu ! mon âme ! ou mon enfant !
Tu ne sauras jamais comme je sais moi-même,
À quelle profondeur je t’atteins et je t’aime :
Tu serais par la mort arraché de mes vœux,
Que pour te ressaisir mon âme aurait des yeux,
Des lueurs, des accens, des larmes, des prières,
Qui forceraient la mort à rouvrir tes paupières.
Je sais de quels frissons ta mère a dû frémir,
Sur tes sommeils d’enfant ; moi, je t’ai vu dormir :
Tous ses effrois charmans ont tremblé dans mon âme ;
Tu dis vrai, tu dis vrai : je ne suis qu’une femme ;
Je ne sais qu’inventer pour te faire un bonheur ;
Une surprise à voir s’émerveiller ton cœur !

Toi, ne sois pas jaloux. Quand tu me vois penchée,
Quand tu me vois me taire, et te craindre et souffrir,
C’est que l’amour m’accable. Oh ! si j’en dois mourir,
Attends : je veux savoir si, quand tu m’as cherchée,