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PAUVRES FLEURS

Morte d’aimer, ma mère à son regard d’adieu,
Me raconta son âme et me souffla son Dieu :
Triste de me quitter, cette mère charmante,
Me léguant à regret la flamme qui tourmente,
Jeune, à son jeune enfant tendit long-temps sa main,
Comme pour le sauver par le même chemin.
Et je restai long-temps, long-temps sans la comprendre,
Et long-temps à pleurer son secret sans l’apprendre ;
À pleurer de sa mort le mystère inconnu,
Le portant tout scellé dans mon cœur ingénu ;
Ce cœur signé d’amour comme sa tendre proie,
Où pas un chant mortel n’éveillait une joie.
On eût dit à sentir ses faibles battemens,
Une montre cachée où s’arrêtait le temps ;
On eût dit qu’à plaisir il se retint de vivre ;
Comme un enfant dormeur qui n’ouvre pas son livre,
Je ne voulais rien lire à mon sort ; j’attendais,
Et tous les jours levés sur moi, je les perdais.
Par ma ceinture noire à la terre arrêtée,
Ma mère était partie et tout m’avait quittée :
Le monde était trop grand, trop défait, trop désert ;
Une voix seule éteinte en changeait le concert :