Page:Desbordes-Valmore - Pauvres fleurs, 1839.pdf/339

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
325
PAUVRES FLEURS.

Ni pour le monde entier, sans yeux et sans soleil,
Que tant d’amour vibrait dans ce timbre fragile :
Vraiment ! c’était pour lui ! lui, rêvant sans dormir ;
Lui, couché sur son cœur à l’écouter gémir ;
Lui, que j’ai tant aimé ! que j’aimerai, que j’aime ;
Lui, mon éternité ! lui, mes chants ! lui, moi-même !
Lui qui m’a dit un soir : « Si tu meurs avant moi,
Reviens dans cet oiseau qui pleure comme toi. »

C’était donc moi pleurant dans la plaintive haleine
De l’oiseau, dont la voix solitaire était pleine
De ma voix et du souffle attiédi de la fleur,
Où sa soif, chaque nuit, vient pomper ma douleur.
Car, en perdant ma robe et mes lèvres de femme,
Je lègue au tendre oiseau tout ce que j’ai de flamme,
Et je ne dors jamais, jalouse dans la mort :
Pitié ! je l’étais tant que je le suis encor
Comme aux jours où son cœur palpitait dans ma vie.
Beaux jours ! par lui, partout attendue ou suivie.
Beaux jours ! quand il passait, quand il jetait sur moi,
De ces saisissemens à faire ouvrir une âme !