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PAUVRES FLEURS.

Dieu se montrait au loin sous cette ondée amère ;
Dieu, dans ma pauvreté me laissait être mère ;
Et j’envoyais à Dieu mes baisers ou mes cris,
Les doux cris d’une femme à qui Dieu donne un fils.

Ton berceau, vide encor, peuplait ma solitude ;
Un ange y respirait par moi sa nuit, son jour ;
J’y couvais son destin ; j’en étais le séjour !…
On ne meurt pas d’orgueil et de sollicitude !

Aussi j’ai cru tomber faible sur mes genoux
Quand on me leva seule et comme trop légère,
Cherchant le poids aimé d’une tête si chère ;
Car si près que tu sois l’air circule entre nous,
Adieu !… je ne suis plus l’heureuse chrysalide,
Où l’âme de mon âme a palpité neuf mois ;
Mais à ta frêle fleur si j’ai servi d’égide,
Homme un jour, reviens-y t’appuyer quelquefois.
Je suis ta mère : un nœud nous a tenus ensemble ;
C’est l’aimant divisé que l’aimant cherchera ;
La terre ne rompt pas ce que le ciel assemble :
Sous la vie, hors la vie, il nous réunira !