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PAUVRES FLEURS.


Viens ! on dirait la vie au fond des bois couchée ;
Pas une aile d’oiseau n’éveille l’air encor ;
Le rossignol se tait quand la lune est cachée :
Hors toi, sous tes parfums, fleur brûlante et penchée,
La nuit enchaîne tout dans un muet accord.

Viens ! les premiers lilas sous l’ombre et la verdure,
Soufflent au loin leur nom, leur forme, leurs couleurs :
La terre ne dort pas ; elle ouvre sa ceinture ;
Son sourire invisible encense la nature,
Et son hymne au soleil va s’élancer des fleurs !

Viens dans la haute église où de hautes lumières,
Sans insulter le jour brûlent à l’avenir ;
Leurs pensives clartés dessillent les paupières ;
Rendent vivans les murs et parlantes les pierres,
Et montrent l’autre vie au fond du souvenir !

Viens à Dieu ! viens : le monde a des peurs et des larmes ;
Moi le passé m’étreint ; toi le pressentiment