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PAUVRES FLEURS

Moi, seule en mon chemin et pleurante au milieu,
J’ai dit, ce que jamais femme ne dit qu’à Dieu ;
Comme un oiseau dont rien n’avait noué les ailes,
Prompte aux illusions, m’envolant après elles,
Facile à me créer des thèmes ravissans,
J’ai chanté comme vrais bien des bonheurs absens :
Ma sœur ! priez pour moi si c’est mal ; si l’étude,
N’a pu prendre au réseau ma flottante habitude ;
Si, dans mon ignorance un trait prêt à jaillir,
Sent au fond de ma voix la parole faillir :
Je n’ai pas eu le temps de consulter un livre,
Pour ciseler les cris dont mon sein se délivre ;
Mais, qu’une plume reste à l’oiseau mutilé,
Il s’en fait une rame à son port étoilé !

Aussi me l’a-t-on dit : « Restez dans vos voyages ;
Hirondelle sans nid et pliante aux orages,
Pourquoi vous obstiner à revenir toujours,
Jeter l’ancre où les flots n’ont plus ni flux ni cours ?
Vous chantez sous le ciel ; que le ciel vous réponde :
Nous avons nos jardins ; vous, vous avez le monde ;