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PAUVRES FLEURS

« L’enfant sait tout qui dit à son ange gardien :
« — Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien ! —
« C’est assez demander à cette vie amère ;
« Assez de savoir suivre et regarder sa mère,
« Et nous aurons appris pour un long avenir,
« Si nous savons prier, nous soumettre et bénir ! »

Et je ne savais rien à dix ans qu’être heureuse ;
Rien, que jeter au ciel ma voix d’oiseau, mes fleurs ;
Rien, durant ma croissance aigüe et douloureuse,
Que plonger dans ses bras mon sommeil ou mes pleurs :
Je n’avais rien appris, rien lu que ma prière,
Quand mon sein se gonfla de chants mystérieux ;
J’écoutais Notre-Dame et j’épelais les cieux
Et la vague harmonie inondait ma paupière ;
Les mots seuls y manquaient ; mais je croyais qu’un jour
On m’entendrait aimer pour me répondre : amour !

Et les psaumes d’oiseau caché dans le feuillage,
Ce qu’il raconte au ciel par le ciel répondu,
Mon âme qu’on croyait indolente ou volage,
L’a toujours entendu !