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PAUVRES FLEURS.

Puis, sur mon front malade et content de brûler,
Chuchottait ces mots doux, trop doux pour les parler !

Ô vie enfant ! ô tremblante lumière,
D’ombre mêlée à ma jeune raison,
Tant que ton aile aveugla ma paupière,
Que tu la tins en riante prison !
Sous ton haleine égale et savoureuse,
Je ne savais regretter ni prévoir :
L’autre âge m’a tant dit que j’étais malheureuse,
Que j’ai fini par le savoir !

Depuis, mes jours rêveurs gardent leur blanc génie ;
Toujours quand j’ai la fièvre il balance mon sort ;
J’enferme sous mon front cet écho d’harmonie ;
J’entends chanter ma mère et je ris à la mort !

Elle se défendait de me faire savante ;
« Apprendre, c’est vieillir, disait-elle, et l’enfant
« Se nourrira trop tôt du fruit que Dieu défend ;
« Fruit fièvreux à la sève aride et décevante ;