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PAUVRES FLEURS.

Puis, montant à genoux la cîme de son sort,
Elle s’en va chanter, souffrir, aimer encor !

Ainsi, venez ! et comme en un pèlerinage,
On pressent le calvaire aux croix du voisinage,
Venez où je reprends haleine quelquefois,
Où Dieu, par tant de pleurs daigne épurer ma voix.
Apportez-y la vôtre afin que j’y réponde ;
La mienne est sans écho pour la redire au monde :
Je ne suis pas du monde et mes enfans joyeux,
N’ont encor bien compris que les mots de leurs jeux.
Le temps leur apprendra ceux où vibrent les larmes ;
Moi, de leurs fronts sans plis j’écarte les alarmes,
Comme on chasse l’insecte aux belles fleurs d’été,
Qui menace de loin leur tendre velouté.
Oh ! qu’il me fût donné de prolonger leur âge,
Alors qu’avec amour ils ouvrent mes cheveux,
Pour contempler long-temps jusqu’au fond de mes yeux,
Non mes troubles célés, mais leur limpide image ;
Toujours ravis que Dieu leur ait fait un miroir,
Dans ce sombre cristal qui voit et laisse voir !