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PAUVRES FLEURS.

Feraient un jour hausser la terre tout en croix,
Et deviendraient ces monts immobiles et froids !
Ah ! j’ai peur de crier, quand je m’entends moi-même,
Parler ainsi des morts qui me manquent ! que j’aime !
Que je veux ! que j’atteins avec mon souvenir,
Pour regarder en eux ce qu’il faut devenir !

Quand ma mémoire monte où j’ai peine à la suivre,
On dirait que je vis en attendant de vivre ;
Je crois toujours tomber hors des bras paternels,
Et ne sais où nouer mes liens éternels !

Jugez si ce fut doux pour ma vie isolée,
Au chaume de ma mère en tout temps rappelée,
Par cet instinct fervent qui demande toujours,
Frère ! un peu d’air natal ! frère ! un peu de ces jours,
De ces accens lointains qui désaltèrent l’âme,
Dont votre livre en pleurs vient d’humecter la flamme ;
Jugez si ce fut doux d’y respirer enfin,
Ces natives senteurs dont l’âme a toujours faim !