Page:Desbordes-Valmore - Pauvres fleurs, 1839.pdf/20

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
6
PAUVRES FLEURS.

À l’heure du travail qui coulait pleine et pure,
Je croyais que ses mains régissaient la nature,
Instruite par le Christ à sa voix incliné,
Qu’elle écoutait priante et le front prosterné ;
Vraiment, je le croyais ! et d’une foi si tendre,
Que le Christ au lambris me paraissait l’entendre :
Je voyais bien que femme, elle pliait à Dieu,
Mais ma mère, après lui, l’enseignait en tout lieu.

L’ardent soleil de juin qui riait dans la chambre ;
L’âtre dont les clartés illuminaient décembre ;
Les fruits, les blés en fleurs, ma fraîche nuit, mon jour,
Ma mère créait tout du fond de son séjour :
C’était ma mère ! ô mère ! ô Christ ! ô crainte ! ô charmes !
Laissez tremper mon cœur dans vos suaves larmes ;
Laissez ces songes d’or éclairer les vieux murs,
Des pauvres innocens nés dans les coins obscurs ;
Laissez, puisqu’ici-bas nous nous perdons sans elles,
Des mères aux enfans comme aux oiseaux des ailes.
Quand la mienne avait dit : « Vous êtes mon enfant ; »
Le ciel, c’était mon cœur à jour et triomphant !