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PAUVRES FLEURS

Laissant sur l’oreiller de l’enfant qui s’endort,
Poindre tous les soleils qui lui cachent la mort ?
Et l’enfant assoupi sous cette âme voilée,
Reconnaît-il les bruits d’une vie écoulée ?
Est-ce un cantique appris à son départ du ciel,
Où l’adieu d’un jeune ange épancha quelque miel ?

Merci, mon Dieu ! merci de cette hymne profonde,
Pleurante encore en moi dans les rires du monde,
Alors que je m’assieds à quelque coin rêveur,
Pour entendre ma mère en écoutant mon cœur :
Ce lointain au revoir de son âme à mon âme,
Soutient en la grondant ma faiblesse de femme ;
Comme au jonc qui se penche une brise en son cours,
A dit : « Ne tombe pas ! j’arrive à ton secours. »

Elle a fait mes genoux souples à la prière ;
J’appris d’elle, Seigneur ! d’où vient votre lumière,
Quand j’amusais mes yeux à voir briller ses yeux,
Qui ne quittaient mon front que pour parler aux cieux.