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PAUVRES FLEURS.

Marcher dans notre cour où croissait un peu d’herbe,
Où l’oiseau de nos toits descendait boire, et puis,
Pour coucher ses enfans, becquetait l’humble gerbe,
Entre les cailloux bleus que mouillait le grand puits !

De sa fraîcheur lointaine il lave encor mon âme,
Du présent qui me brûle il étanche la flamme,
Ce puits large et dormeur au cristal enfermé,
Où ma mère baignait son enfant bien-aimé :
Lorsqu’elle berçait l’air avec sa voix rêveuse,
Qu’elle était calme et blanche et paisible le soir,
Désaltérant le pauvre assis, comme on croit voir
Aux ruisseaux de la bible une fraîche laveuse :
Elle avait des accens d’harmonieux amour,
Que je buvais du cœur en jouant dans la cour !

Ciel ! où prend donc sa voix une mère qui chante,
Pour aider le sommeil à descendre au berceau ?
Dieu mit-il plus de grâce au souffle d’un ruisseau ?
Est-ce l’Eden rouvert à son hymne touchante,