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PAUVRES FLEURS

Étreignait dans ses nœuds les enfans et les pères,
Refoulés sous leurs toîts par les feux militaires,
J’étais là ! quand brisant les caveaux ébranlés,
Pressant d’un pied cruel les combles écroulés,
La mort disciplinée et savante au carnage,
Étouffait lâchement le vieillard, le jeune âge,
Et la mère en douleurs près d’un vierge berceau,
Dont les flancs refermés se changeaient en tombeau,
J’étais là : J’écoutais mourir la ville en flammes ;
J’assistais vive et morte au départ de ces âmes,
Que le plomb déchirait et séparait des corps,
Fête affreuse où tintaient de funèbres accords :
Les clochers haletans, les tambours et les balles ;
Les derniers cris du sang répandu sur les dalles ;
C’était hideux à voir : et toutefois mes yeux
Se collaient à la vitre et cherchaient par les cieux,
Si quelque âme visible en quittant sa demeure,
Planait sanglante encor sur ce monde qui pleure ;
J’écoutais si mon nom, vibrant dans quelque adieu,
N’excitait point ma vie à se sauver vers Dieu :
Mais le nid qui pleurait ! mais le soldat farouche,
Ilote, outrepassant son horrible devoir,