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PAUVRES FLEURS.

Ses cyprès verseront, dans leur culte fidèle,
Un rythme à votre oreille et de l’ombre à vos pas !
Un soupir, s’il vous plaît ! l’horloge s’est trompée,
Elle a sonné la mort pour l’heure de l’hymen ;
Regardez et comptez : sa trame fut coupée,
Quand l’ange des enfans tenait encor sa main !

Moi, sans racine aussi, née aux bords des voyages,
Posant à peine un pied sur de fuyans rivages,
Y cueillant à la hâte un fruit vert, une fleur,
Pour prendre un peu d’haleine au relai du malheur.
J’écoutai, quand sa voix à mon cœur parvenue,
M’apprit le nom charmant d’une sœur inconnue ;
Sa voix, qui n’avait pas encor de souvenir,
Sa voix fraîche et nouvelle en perçant l’avenir,
Lançait l’hymne de vie et de gloire trempée,
Où sa tombe précoce était enveloppée :
Je la pris, dans l’espace où vibrait cette voix,
Pour un oiseau qui joue et qui pleure à la fois !
Dans les flots de la foule insoucieuse et vaine,
J’embrassai du regard cette âme armoricaine,