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PAUVRES FLEURS

Dieu les pèse ; moi je les pleure,
Dans son destin désert j’écoute tomber l’heure ;
Je regarde le mur qui borne son regard,
Où d’un rayon du jour s’est glissé le hasard ;
Le hasard ! est-ce là le nom froid qu’il lui donne :
Oh ! non ! c’est l’œil de Dieu qui dans sa nuit rayonne,
Qui pompe jusqu’au fond de cet homme enfermé,
Une larme invisible où l’espoir a germé :
Partout l’espoir où Dieu sent trembler une larme ;
Le tocsin le suspend à son sanglot d’alarme,
Et le banni fuyant escorté par la faim,
L’emporte infatigable aux longueurs du chemin.

Moi qui gravis mon sort sans charger ma mémoire,
Des noms dorés, perdus dans le vent de la gloire,
Insoucieuse au bruit des trônes et des rois,
Qui dans mes jours flottans roulent vides et froids,
Je me laisse entraîner où l’on entend des chaînes ;
Je juge avec mes pleurs, j’absous avec mes peines ;
J’élève mon cœur veuf au Dieu des malheureux ;
C’est mon seul droit au ciel et j’y frappe pour eux !