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PAUVRES FLEURS

J’ai des enfans ! leurs voix, leurs haleines, leurs jeux
Soufflent sur moi l’amour qui m’alimente encore ;
J’ai, pour les regarder, tant d’âme dans les yeux !
Mon étoile est si bien nouée à leur aurore !
On m’a blessée en vain, je ne peux pas mourir ;
J’ai semé leurs printemps, je dois les voir fleurir.
Au milieu de leurs jours, inoffensive et frêle,
Mort ! oublieuse mort ! je passe sous votre aile,
Et je n’allourdis pas mon vol de haine ; hélas,
S’il fallait me venger, je ne le saurais pas.

Vraiment ! le pardon calme à défaut d’espérance ;
Il détend la colère ; on pleure, on apprend Dieu ;
Dieu triste ! comme nous voyageur en ce lieu,
Et l’on courbe sa vie au pied de sa souffrance.
Ceux qui m’ont affligée en leurs dédains jaloux,
Ceux qui m’ont fait descendre et marcher dans l’orage,
Ceux qui m’ont pris ma part de soleil et d’ombrage,
Ceux qui sous mes pieds nus ont jeté leurs cailloux ;
N’ont-ils pas leurs ennuis, leurs jaloux, leurs alarmes,
Leurs pleurs, pour expier ce qu’ils m’ont fait de larmes ?