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Peu de créatures au monde subirent une existence aussi rigoureuse que le fut celle de Marceline Desbordes-Valmore. Dans sa correspondance, on a, jour par jour, se découvrant sans voile, le spectacle consternant de cette dure vie, traversée comme par éclairs d’espérances fugitives et constamment ramenée à l’amertume des séparations douloureuses, des attentes infinies et des misères lourdes qui rejettent à la terre des rêves partis pour le ciel. Elle aima, souffrit, pleura. Dans ces mots est sa destinée tout entière. Quelle destinée ! Elle-même a pu justement en exprimer la plainte dans ce passage d’une lettre inédite à la grande tragédienne Mlle George :

J’ai bien peu respiré ici-bas entre un malheur et un autre. J’ai fini par en demander pardon à mes amis[1].

Au cours de la vie errante qui l’avait jetée et ramenée plus d’une fois de Rouen à Bruxelles, de Bruxelles à Rouen, puis à Lyon, à Bordeaux, à Paris, elle ne connut jamais l’entier repos de l’esprit et la complète sécurité d’une situation indépendante.

L’ancienne ville de Douai fut le berceau de ses ans. Elle y naquit le 20 juin 1786, la dernière des sept enfants de Félix Desbordes, un peintre en armoiries et en ornements d’église. C’était dans une humble maison, l’une des plus pauvres de la ville, tout près d’une simple paroisse dédiée à Notre-Dame.

Nous ne redirons point les détails assez de fois racontés sur sa prime jeunesse : la misère au foyer paternel ; le voyage entrepris, en un jour de désolation, pour s’en aller recueillir par delà l’Océan de vagues espérances d’héritage ; puis le réveil cruel en touchant le sol de la

  1. 4 décembre 1854. Lettre communiquée par M. Benjamin Rivière.