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annoncées et commentées à l’avance par une excellente introduction, avaient été véritablement le point de départ, le prétexte ou l’occasion de cette active campagne ; Jules Lemaître, en ses inoubliables feuilletons du Journal des Débats, Montégut, Descaves, Séverine, Auguste Dorchain, — nous-même, à l’aide d’un précieux dépôt mis entre nos mains par le plus ancien ami de la famille Valmore : Félix Delharse, — chacun y voulut contribuer de son effort et de son zèle. Les meilleures plumes s’excitaient à évoquer son image, à ressusciter ses pâles douleurs. On l’appelait la Sapho chrétienne. On lui tressa des couronnes aussi éclatantes que des auréoles.

Au mois de juin 1896, les fêtes qui avaient été organisées à Douai par ses compatriotes prenaient les proportions d’une apothéose. Les artistes de la capitale les plus goûtés étaient accourus dans la cité flamande pour déclamer ses élégies, et les écrivains les plus en renom pour faire l’éloge de son talent et de ses vertus. Je revois encore cette statue sur son tertre fleuri, vivante comme une résurrection. Debout, simple, vraie, touchante, la tête inclinée à gauche « comme pour mieux écouter les battements de son cœur », le visage empreint de l’harmonieuse mélancolie de ses chants, avec un mouvement de bras et de mains mêlés, s’allongeant dans un geste de silencieuse douleur : c’est la tendre Valmore. Figure émouvante et sympathique, bien digne d’intéresser les âmes sensibles de tous pays parce que, sans ambition de gloire, elle fut poète comme la poésie elle-même. Aucun auteur peut-être, en notre siècle, n’a cueilli plus facilement, suivant l’expression de Baudelaire, la formule unique du sentiment : le sublime qui s’ignore.

Il avait fallu deux tiers de siècle pour que l’on connût pleinement, aussi bien que la persistance de ses infortunes, les délicatesses exquises de son âme, la philosophie généreuse qu’elle sut tirer de ses souffrances et l’admirable charité qui la rendit exemplaire.