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rayonnement sympathique se dégageant d’elle-même lui avaient gagné les cœurs et les intelligences d’élite. Néanmoins, il était réel que les traits de sa physionomie paraissaient bien effacés, aux alentours de 1895. Les herbes d’oubli croissaient autour de son tombeau. Tout à coup, à la suite de la mise en lumière d’une partie considérable de sa correspondance, on s’était repris d’amour pour la douce élégiaque, pour celle qui sut envelopper sa passagère douleur de tant d’éloquence et de mélodie. De 1896 à 1898 nous assistâmes à une sorte de renaissance menée avec une incroyable ferveur autour du nom de Desbordes-Valmore.

La révélation successive de ses lettres à son mari, à ses enfants, à ses proches amis, souvent aussi poignantes d’expression que les stances de ses élégies, avaient reporté sur sa personne les sympathies des lettrés et du public. On recommença d’après des données plus sûres les récits de sa vie tourmentée. On recueillit, pieusement, jusqu’aux moindres feuillets de cette intarissable conversation épistolaire, qui aura été l’intime et le vivant commentaire de ses poétiques effusions. Le dossier allait grossissant de jour en jour, sans que parût se ralentir l’empressement des chercheurs. M. Benjamin Rivière, dont les deux volumes des « lettres inédites »,

    rarement), la lettre à la main, pensif, me faisant un poème à moi seul, me disant : Elle a donc conservé souvenir d’un cœur dans lequel elle a pleinement retenti, elle et ses paroles, elle et ses poésies de tout genre ; car nous sommes du même pays, madame, du pays des larmes et de la souffrance ; nous sommes aussi voisins que peuvent l’être, en France, la prose et la poésie ; mais je me rapproche de vous par le sentiment avec lequel je vous admire et qui m’a fait demeurer, une heure de dix minutes, devant votre portrait, au salon… Allons, adieu ; ma lettre ne vous dira pas toutes mes pensées ; mais vous y trouverez intuitivement toute l’amitié dont je la charge et tous les trésors dont je voudrais pouvoir disposer si Dieu me prêtait sa puissance. Tous ceux que j’aime auraient, selon leurs goûts, un grand, un petit, un moyen grenadier et toutes les joies du paradis par avance ; car à quoi bon les faire attendre ? Adieu donc, baisez Ondine au front pour moi ; et gardez, je vous prie, comme quelque chose de vrai, mon sincère attachement et ma vive et sympathique admiration. « De Balzac. »