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Ce qu’on aime est si triste ainsi gisant et froid.
Nul chagrin n’entrera plus au fond de ton être ;
Nul amour ne sera plus vrai pour toi, peut-être.
Là-bas, dans l’avenir où coulent tes beaux jours,
À ton beau ramier bleu tu penseras toujours :
Et, plus tard, abattu sous les vents du voyage
Seul, au bord d’un sentier dépeuplé, sans fraîcheur,
Sans soleil, et navré de quelque adieu railleur,
Tes yeux retourneront tristes vers l’humble cage
Où t’attendait l’ami par ton souffle éveillé,
Qui, vivant sur ton cœur, ne l’a jamais raillé !
Oui, tu regretteras cet amour sans mélange,
Et tes pleurs innocents où se mire un jeune ange !
Tu diras dans ton sort, plein d’échos du passé,
Par des amis ingrats amèrement blessé :


Oh ! je voudrais, mon Dieu, pleurer de douces larmes,
Comme l’enfant candide et sans haine, l’enfant
Qui pleurait son ramier mort dans ses jeunes charmes ;
Oh ! pleurer comme alors !… qui donc me le défend ?