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SARAH.

immobile, je restai près d’elle jusqu’à la nuit, dans une morne affliction.

Quand le port fut calme et silencieux, je la portai dans mes bras sur la grève déserte ; et, l’ayant posée sur le sable, je jetai de l’eau sur son front, j’en mouillai sa bouche sèche et décolorée ; elle ouvrit les yeux, et les tourna encore vers le vaisseau que l’on ne voyait plus. Elle semblait changée en pierre sur le rivage que la mer envahissait par degrés, lorsqu’une lame d’eau me couvrit tout-à-coup, et faillit m’entraîner avec elle. Narcisse me regarda, et, par pitié pour moi sans doute, elle s’éloigna lentement, regagna sa case, où je la suivis sans parler. Je me couchai à la porte ; elle m’y retrouva le lendemain. Elle voulut me parler, mais sa poitrine était oppressée ; et je vis ses regards désespérés se porter vers le ciel. Je lui racontai tout ce que m’avait dit mon maître ;