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SARAH.

lui, mais dont le père était si pauvre qu’il cultivait lui-même un petit carré de terre qui suffisait à peine à les nourrir, tandis que sa fille gardait leur case, et préparait le riz qu’il recueillait pour tous deux. Mon maître n’avait pu la voir sans la plaindre ; bientôt après il l’aima, et sentit bien que ce n’était pas par pitié ; elle l’aima de même, parce qu’il semblait que Dieu le voulût, quoiqu’il les ait abandonnés depuis, comme vous l’allez voir, Sarah. Le père de mon jeune maître entra dans une grande fureur, en apprenant cette nouvelle ; et l’on crut qu’il mourrait, tant il se mit hors de lui-même. Tout le monde alors trembla pour son fils et pour la jeune fille, car il ne songea pas même à nier qu’il l’aimât, tant il l’aimait. Dès qu’il eut avoué qu’il la voulait pour sa femme, et ne voulait qu’elle, son père le traita sans pitié, comme il traitait les nègres ;