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SARAH.

parce que tous les esclaves de l’habitation avaient un air triste et morne qui l’affligeait. Je dansais pour lui plaire, mais quand nous étions seuls, car la sévérité de son père s’étendait jusqu’à lui faire un crime des plus innocens loisirs. Je m’aperçus bientôt qu’il devenait rêveur et inquiet ; souvent, d’un air mystérieux, il me disait de le suivre ; puis, quand nous étions hors de tous les yeux, il me faisait l’attendre à la même place ; et j’y restais long-temps seul, à garder des livres, ou des filets, ou des armes, qui servaient de prétexte à nos sorties. Mais, comme nous revenions toujours les mains vides, que la poudre et le plomb ne diminuaient plus, son père conçut de la défiance, et le fit suivre par quelque surveillant moins fidèle que moi. Son rapport perdit mon maître. On sut qu’il avait pris de l’amour pour une jeune créole, libre comme