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SARAH.

où j’attendais, sans une larme, que mon ame, qui venait déjà sur mes lèvres, s’envolât libre et heureuse en Guinée (car cet espoir nous poursuit dans la captivité, et nous conseille souvent d’en sortir) ; je fus, dis-je, si surpris de cette voix charitable, que ma poitrine se gonfla, et que je le regardai avec douceur. J’examinai curieusement ses traits et ses yeux ; et, comme ils n’avaient rien de menaçant, je le crus d’une autre espèce d’homme que je ne connoissais pas encore. Il obtint bientôt de moi la soumission la plus entière, et gagna tellement mon cœur aigri par l’ennui de ne plus voir ma mère, que je le servis avec amour, sans penser que j’obéissais. J’avais, je crois, quelques années de moins que lui, car je ne sais pas exactement mon âge ; il trouvait du plaisir à éclairer un peu mon ignorance, et se plaisait surtout à me voir gai,