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SARAH.

des châtimens que j’attirais sur moi par l’impatience avec laquelle je supportai d’abord l’esclavage. Je poussais des cris perçans, lorsqu’on m’appelait esclave. Tandis que les coups dont j’étais quelquefois déchiré n’avaient pas le pouvoir de m’arracher une plainte, je regardais couler mon sang d’un œil sec, et je disais : Je suis libre ; ce qui irritait si fort la fureur de mon vieux maître, qu’il augmentait toujours de moitié la terrible punition qu’il m’avait infligée. Son fils en fut si touché, qu’à force de prières, et surtout de promesses de me soumettre à mon sort, on m’abandonna tout-à-fait à son service. Ce jeune homme, par la douceur de ses manières, triompha par degrés de la haine que j’avais contre les blancs. Je fus d’abord si surpris des paroles consolantes qu’il vint m’adresser, un jour que l’on m’avait laissé presque mort au pied d’un arbre,