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ADRIENNE.

et sombre inquiétude, il repoussa bientôt jusqu’aux alimens nécessaires à la vie, comme si son instinct rejetait cette vie inutile pour lui sans l’objet qu’il ne voyait plus. On ne connaît pas d’exemple d’une affection si grave et si profonde dans un âge où l’ame, dit-on, ressemble à un miroir qui réfléchit tous les objets sans en conserver la trace.

Je ne vous dirai pas si ce fut par pitié pour cette jeune ame si sensible, si différente des autres ; pour cette tendresse exclusive qui prenait un caractère effrayant de mélancolie, qu’Arthur, dont l’humeur devenait aussi plus sombre et plus inquiète, ramena un soir cet enfant malheureux jusque sous les arbres de la maison d’Adrienne. Ils y restèrent quelque temps arrêtés par une voix douce et lente, comme celle d’une personne triste qui chante par distraction.