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MARIE.

Marie, la tête penchée ; effeuillant, sans y songer, les marguerites et les roses qui lui restaient pour parure : qu’avait-elle besoin d’y prendre garde ? que lui faisait-il à cette heure d’en être ornée comme aux jours de fêtes ? Hélas ! pour qui veut-on être belle au village ? ce n’est pas pour soi-même.

« Bonsoir, bergère, » lui dit-on ; et ses yeux se levèrent à peine, car elle entendit bien que cette voix n’avait rien à lui dire de plus que bonsoir. « Bonsoir, Lucas », répondit-elle avec sa douce manière. Pouvait-elle croire qu’il fût la cause du chagrin qu’elle emportait avec elle ? Pauvre bergère ! vous étiez triste avec l’innocence au fond du cœur ; il était joyeux avec la malice au fond de l’âme. Il voyait bien ce qui vous rendait pensive, il savait bien pourquoi les roses et les marguerites vous tombaient des mains : il en riait dans sa méchante joie, et suivait d’un œil moqueur la démarche inégale et triste de