Page:Desbordes-Valmore - Les Veillées des Antilles, tome 1, 1821.pdf/175

Cette page a été validée par deux contributeurs.
164
LUCETTE.

lée dont l’aspect me plut ; car je n’y vis pas un seul château. Quelques chèvres me suffisaient pour vivre ; elles étaient belles, et le soin que j’en prenais donna de la confiance à ceux qui me rencontraient avec elles. On m’offrit des troupeaux entiers à conduire, et je suis encore aujourd’hui le vieux gardeur de chèvres.

Mon village dépendait d’un seigneur. Ses habitans étaient fortunés ou malheureux, selon que le maître était humain ou avare. L’un d’eux, qui venait de mourir, et dont encore enfant je suivis le cortége, était avare, et personne ne pleurait. On disait au retour : Nous étions plus tristes en perdant le bon pêcheur Raimond. Il n’avait pourtant qu’une cabane ; mais il aidait le pauvre quand il en trouvait un qui le fût plus que lui. Le vieux seigneur tourmentait sa misère,