Page:Desbordes-Valmore - Le Salon de lady Betty.djvu/92

Cette page n’a pas encore été corrigée
84
UNE FEMME

à la Cité, et il s’en allait, bon gré mal gré à Kensington. Comme

il cheminait vers ce village, où l’attirait à présent un aimant irrésistible, il s’arrêta tout d’un coup, et se saisit le menton de la main droite d’un air profondément méditatif, au risque d’être pris par les passants pour un poète en travail, ou pour un membre de la chambre des communes ruminant son improvisation du lendemain. Que vais-je faire ? s’écria-t-il. Si j’épouse cet interminable nez drapé de pourpre, que dira la Cité ? que dira Fleet-Street ? que diront miss Pin, miss Needle et mistriss Knife ? que diront ces langues d’acier, pointues et acérées ? En quel état laisseront-elles ce pitoyable nez qui s’appellera mistress Conway ?

Tel était le délectable avenir qu’entrevoyait l’imagination intimidée de M. Conway. Si le vent enflammé qui le poussait ne l’eût entraîné et remis en route, il faisait certainement volte-face, et la délibération aboutissait au vou d’un salutaire et perpétuel célibat. Ce fut le démon matrimonial qui prévalut.

L’amitié qui avait lié Conway à la famille de M. Hargrave s’était peu à peu transformée en une familiarité intime, où l’on distinguait une odeur de gendre futur très-prononcée. Il était devenu de la maison ; il avait ses coudées parfaitement franches ; -