Page:Desbordes-Valmore - Le Salon de lady Betty.djvu/90

Cette page n’a pas encore été corrigée
82
UNE FEMME

heures des repas lorsque le cœur lui en dirait ; et le merveilleux de l’histoire, c’est qu’il revint, et revint fréquemment. Quel démon le ramenait de cette sorte et comme de force là où il semblait que nul attrait ne devait : plus l’attirer ? De fait, ces visites involontaires lui étaient, à lui-même, une énigme indéchiffrable. Il avait besoin de venir ; il venait. Était-il arrivé, et en présence de Maria, une invincible froideur le glaçait. Combien il avait changé ! Il parlait sans timidité ; il écoutait sans intérêt ; ils’allongeait et prenait ses aises sur le sopha. Servait-on le thé, dans ses distractions il mangeait à lui seul toute la pyramide des tartines beurrées. · Hélas ! il ne m’aime plus, se disait la désolée jeune fille.

— Or, c’était là à peu près ce que se disait en même temps M. Conway, — Le diable m’étrangle. pensait-il, si j’entends un mot à ce qui se passe en moi. J’imagine, à mes fréquentes agitations, que je suis toujours amoureux ; mais je ne me sens troublé qu’à Londres. A Kensington, je suis aussi calme que les flots de la Serpentine. Assurément, si j’aime encore, ce n’est plus Maria. Non pas que sa causerie ait pour moi moins de charme qu’autrefois ; non pas qu’elle me semble moins judicieuse et moins estimable ; mais c’est l’impertinence de ce maudit nez rouge qui me crève les yeux incessamment, tout emballé qu’elle le garde mainte- 1 I