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UNE FEMME

naturaliste, accoutumées qu’ils sont à disséquer les faits et les choses et à penétrer leurs secrets, ont docilement subi le joug de la passion sans lui demander compte de son autorité. Le monarque aux pieds de sa maîtresse ne va point songer qu’en s’agenouillant, il abaisse sa majesté, ni chercher pourquoi il prosterne ainsi sa grandeur. Le ministre qui fuit la cour et court aux champs cacher ses soupirs, n’interroge point le pouvoir invisible qui lui fait négliger le soin de son ambition. Il n’y a pas jusqu’à la rubiconde marchande de poissons, qui toute au souvenir de son amant le matelot, quand elle s’enivre de l’ambroisie du gin, et boit verre sur verre, ne reconnaisse elle-même à son insu la souveraineté de l’aveugle Dieu ; se doutet-elle seulement alors que c’est sa fièvre amoureuse qui lui donne cette soif inextinguible qu’elle ne comprend pas ?

" Maria Hargrave était l’une des filles du vicaire de la paroisse de Kensington près de Londres. Elle avait des dents d’ivoire et des lèvres de corail. Il n’y avait pas de feur dans le serres de Chelsea qui ett le parfum plus doux que son haleine ! Son sein admirablement formé soulevait avec une voluptueuse cadence le taffetas gris de sa robe décolletés. Ses épaules, oh ! ses épaules rondes, toujours à l’air’, hiver comme été, étaient si blanches qu’on les eût dites couvertes d’une neige éternelle. Son 1 I 1 i